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Histoire de derbys

Les derbys du Caire

Abritant une pléiade de compétitions, le Caire est considéré à juste titre comme la « capitale du football africain ». Cette mégapole de 20 millions d’âmes qui cohabitent tant bien que mal dans un rythme de vie frénétique voit souvent défiler des stars du ballon rond, ou des personnalités, qui viennent prendre leurs aises sur les bords du Nil. Récemment Luis Figo, ballon d’or 2000, ou encore Xavi Hernandez, ancien métronome du Barça, pour ne citer qu’eux.

Néanmoins, le seul événement sportif, seul choc, capable d’arrêter le temps en Egypte reste sans aucun doute le fameux « derby du Caire », l’un des plus chauds du monde.
Il oppose Al Ahly et le Zamalek. Les 2 plus gros palmarès africains qui comptent à eux deux 13 ligues des champions. En 6 années passées au pays des Pharaons, j’en ai connu des derbys, une vingtaine environ. A mon arrivée en 2009, j’ai connu cette ferveur dans un Stade du Caire plein à craquer, avec une affluence bien au-delà des 74.000 places assises. J’ai aussi pu découvrir l’hostilité entre les deux camps qui rivalisent d’insultes, ou de tifos repoussant toujours plus loin la limite de la créativité. La tradition en Egypte veut que l’arbitre désigné soit un étranger, un européen de préférence qui donc ne comprend pas l’arabe. Heureusement, serais-je tenté de dire puisque dans ces derbys, l’homme en noir en prend toujours pour son grade.

Puis il y’a eu la révolution en 2011 et l’insécurité en Egypte, suivie l’année d’après par le tragique accident de Port Saïd où 74 supporters avaient trouvé la mort dans un stade de football. Depuis lors, les supporters ne sont plus autorisés à garnir les gradins en ce qui concernent les matches de championnat. Des fois, l’exception est faite pour des matches continentaux qui opposent des équipes égyptiennes aux formations étrangères.
Le derby a perdu donc ses couleurs, son goût, ses épices. Désormais pour les derbys, les supporters n’ont donc d’autres choix que de s’agglutiner dans les cafés à chichas, ornés de leurs drapeaux et maillots représentant leurs équipes, leur clans, leurs appartenances. Parce qu’appartenir à Ahly ou au Zamalek, est une histoire de famille, un héritage qui se transmet de génération en génération.

Et en général, quand le match ne se termine pas sur un match nul, les « Diables Rouges » de Ahly s’imposent. Depuis mon arrivé en Egypte jamais le Zamalek n’a réussi à sortir vainqueur de la bataille fratricide…Sauf le mois dernier, où les « chevaliers blancs » ont enfin conjuré le sort en finale de la Coupe d’Egypte, en reportant leur 3ème titre d’affilée dans la compétition, un mois après s’être adjugé leur premier titre de champion d’Egypte depuis 2004 (Al Ahly avait ensuite confisqué le titre pendant une décennie). Ce 21 septembre 2015 restera donc dans les mémoires puisque c’était la première victoire dans un derby pour le Zamalek depuis 2007.
Une nouvelle ère certainement. Les temps changent indubitablement, et le jeudi 15 octobre, les deux équipes sont retrouvées à l’occasion de la Super Coupe d’Egypte qui s’est disputée à Abu Dhabi, devant un stade comble, garni par la forte diaspora égyptienne présente dans les pays du Golfe. Une idée géniale pour contourner le huis clos et l’insécurité qui règnent dans les stades d’Egypte. Au passage, la fédération saoudienne de football avait été la première à organiser sa super coupe à l’étranger, c’était en Angleterre au Loftus Park de Londres en aout dernier. Une date choisie pour échapper aux fortes chaleurs qui frappent le royaume à cette période de l’année.

Encore un derby qui a fait jazzer toute l’Egypte.

 


Frédéric Nkeuna

Journaliste sportif, Correspondant de RFI en Egypte